François MAIRESSE

Que faire des données numérisées ?

« Au moment où l’université Paris 3 s’apprête à ouvrir un nouveau master intitulé « muséologie et nouveaux médias » (à la rentrée 2014), il est manifeste que la numérisation fait partie des enjeux incontournables de la muséologie contemporaine.
Si l’ordinateur a d’abord été utilisé par les musées pour le traitement de bases de données, c’est dans l’idée de rendre accessibles les contenus à de nouveaux publics et à de nouveaux usages que l’on recourt désormais aux pratiques numériques. Comme l’a montré McLuhan, le medium transforme le message : c’est-à-dire que les technologies, que l’on ne peut plus appeler « nouvelles », influencent notre comportement, et notamment notre manière de voir et de concevoir les collections muséales et leur exposition. Mais les campagnes de numérisation ont souvent été lancées sans réelle perspective, par simple mimétisme, parce que les autres musées numérisaient aussi. Aujourd’hui se pose donc la question centrale : que faire de tous ces éléments ?
La pratique quotidienne des chercheurs subit des mutations considérables, de même que leurs champs de compétences et de connaissances. Par exemple, le domaine d’expertise des professionnels de l’art risque d’être transformé en profondeur, dans les années qui viennent, par le développement de logiciels de reconnaissance de formes ou de styles. Par ailleurs, les nouvelles logiques de participation, nées des technologies, remettent en cause le statut de la parole des uns et des autres, en particulier de la parole universitaire. C’est donc à la fois la recherche du futur, confrontée à des masses de données, et l’avenir de l’université, dans un contexte où les mécanismes traditionnels de validation du savoir sont ébranlés, qui sont en jeu.
Il conviendrait aujourd’hui d’étudier de manière plus précise les écarts entre :
 les capacités techniques des processus de numérisation, les budgets mis en œuvre et leur utilisé réelle. L’idée de numériser des collections en 3D apparaît certes séduisante, mais les standards de lecture sont loin d’être aussi connus et établis que pour la 2D.
 les réalisations effectives et l’augmentation de la vitesse d’obsolescence de ces réalisations, l’avancée de la technologie banalisant à grande vitesse les nouveautés aux yeux des visiteurs.
 les habitudes développées par le public familier des TIC et la volonté affichée par les établissement d’apposer une culture d’écran, y-compris dans les expositions de Beaux arts.
On imagine que les digital natives sont toujours à la pointe de ces questions. Ils ont en effet souvent une grande dextérité informatique et une très haute exigence technique, qui découle logiquement de leur pratique des jeux et du Web. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils savent imaginer et développer des outils au service de l’art et du patrimoine en ligne !
L’approche muséale, comme celle des bibliothèques, doit forcément croiser les expertises et les pratiques : les professionnels de l’informatique, du multimédia, de la communication, de la médiation, de l’histoire de l’art sont appelés à travailler ensemble pour répondre à cette question simple et complexe : que faire des données numérisées ? »

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