Membres
Partenaires
Actualités
Bloc-notes

Appel à contributions / Signata 12 / Sémiotiques de l’archive

Échéance : 1er novembre 2018

Contacts : Maria Giulia Dondero, Andreas Fickers, Gian Maria Tore et Matteo Treleani

Publication : fin 2019

L’archive, un mot qui évoquait jadis un « passé poussiéreux » (Chabin, 1996), est revenu depuis quelques années à l’ordre du jour dans les sciences humaines et sociales. « Enregistrements » et « footages », « témoignages » et « mémoire » (la mémoire collective, la mémoire des appareils numériques), « données » (« data ») et « traces », « références » et « dossiers », « héritage » et « patrimoine » : tels sont les mots fétiches de notre présent. Aujourd’hui, on dit « archiver » et non plus « effacer » dans nos dispositifs numériques, l’effacement étant même devenu plus compliqué que l’archivage (Manovich, 2001 ; Hoog, 2009 ; Paolucci, 2013). Certes, « la société toute entière vit dans la religion conservatrice et dans le productivisme archivistique » (Nora, 1984). Mais peut-on dire que l’archivage est désormais un impératif de la « culture numérique » (Doueihi, 2008 ; Ernst, 2013) ? L’affirmation du numérique comme dispositif de démultiplication matérielle est-elle solidaire d’un retour de l’archive, conçue pour assumer des fonctions de stabilisation et d’unification ? Ou au contraire l’archive participe-t-elle elle-même à la ré-éditorialisation des contenus et donc à la production du nouveau (Stockinger, 2015) ? Quoi qu’il en soit, il semble évident que, à l’ère numérique, nous vivons dans une « société de l’enregistrement » (Ferraris, 2013) : toute production digitale est automatiquement archivée, et bon nombre de nos pratiques quotidiennes sont tracées sous la forme de données numériques (Merzeau, 2009). Nonobstant l’incertitude liée à la durée des supports de stockage (le numérique étant l’un des supports le moins durables du point de vue technique — la démagnétisation des disques durs impliquant la perte potentielle des données après quelques années), notre société reste une société de la patrimonialisation massive (Morozov, 2013). Sur un autre plan, l’une des raisons d’être de la (trans)discipline très actuelle appelée « Digital Humanities » (Mounier, 2010) semble reposer aussi sur les ressources des documents disponibles, ainsi que sur les calculs et sur les visualisations que l’on peut effectuer numériquement.
Il nous semble aujourd’hui que, face à de tels enjeux, un questionnement sémiotique peut se révéler éclairant. Il s’agit d’approcher un domaine aux matérialités et aux pragmatiques multiples (dispositifs et interfaces, pratiques de formatage et de lecture, visualisations et référenciations) et aux procédures et aux valorisations stabilisatrices (conservation et collecte d’une part, attachement à l’« original » et au « patrimonial » d’autre part). On sait à quel point l’archive se fonde sur un binôme paradoxal (« mythologique ») : préservation et accès. On sait aussi à quel point chacune des opérations qui lui sont inhérentes est une re-sémiotisation : sélection et valorisation d’une part, re-cadrage et ré-éditorialisation d’autre part, à savoir traduction inter-sémiotique, re-médiation, re-énonciation (Day, 2014). Que l’on songe tout simplement au culte somme toute récent et peu questionné de l’édition du film restauré et patrimonialisé, accessible « finalement » dans sa « meilleure version », qui est souvent dite « director’s cut » : ce dernier est bien un « mythe » (Marie & Thomas, 2008), la version prétendument retrouvée, restaurée et resituée n’étant en général qu’une nouvelle version du film. Préserver et rendre accessible, c’est toujours redéfinir, repenser et refaire.

Ce numéro de Signata vise à questionner l’archive d’un point de vue sémiotique ou sémio-pragmatique — si l’on entend par « sémiotique » non pas une discipline unique, mais une pluralité de manières de questionner le « sens », les formes et les valeurs au sein des disciplines historiques, sociologiques, philosophiques, linguistiques, médiatiques, artistiques, etc. Le but de ce dossier sur les sémiotiques de l’archive est d’essayer de constituer une cartographie qui embrasse — à titre indicatif :

* Les termes et les concepts : les nombreuses déclinaisons et constellations de l’« archive » ; y compris ses idéologies, telles l’autorité ou l’accessibilité. On encourage notamment le repérage des croisements entre de telles constellations terminologiques-conceptuelles et les théories sémiotiques, par exemple l’idée de l’archivage comme ré-énonciation.

* Les pratiques : la distinction critique et critiquable entre archivage et usage d’archives ; l’archivage comme sémiotisation (lecture du « passé » et tactique pour le présent) ; la notion de « sémiophore » de Pomian ; l’analyse scientifique ou la création artistique via les archives.

* Les dispositifs  : approche critique de l’archive et l’interface, ses visualisations, éditions (ou éditorialisations), contextualisations, remédiations ; les liens entre le numérique et l’archive ; la numérisation et l’archivage.

* L’indexation : peut-on archiver tout type de documents au travers des mêmes métadonnées standard (auteur, date, lieu de production, etc.) ou faut-il constituer des archives organisées autrement, par des descripteurs visuels, par exemple, dans le cas des images, selon la proposition de Manovich ? Il s’agit d’une piste qui articule autrement disciplines de l’archive et sémiotique, avec les instruments d’analyse plastique que celle-ci peut proposer à celles-là.

- Les disciplines  : approches différentes, convergentes, polémiques, diplomatiques ; critique des Digital Humanities ; dialectique entre approches qualitatives (deep readings, à la Ginzburg) et quantitatives (distant readings, à la Moretti), concernant la taille des collections d’objets et les postures des sujets des recherches. Il s’agit d’investiguer la manière dont la sémiotique, la science des médiations, peut intervenir dans ce débat des disciplines.

Les articles doivent parvenir pour le 1er novembre 2018, aux adresses suivantes : mariagiulia.dondero[at]uliege.be ; andreas.fickers[at]uni.lu ; matteo.treleani[at]univ-lille3.fr ;gm.tore[at]gmail.com

Pour en savoir plus

/ Consignes aux auteurs : https://journals.openedition.org/signata/1163

/ Source de l’information : Signata Annales des sémiotiques http://journals.openedition.org/signata/1447