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Fabrice ISSAC

Penser les outils informatiques pour chaque projet face aux besoins des utilisateurs

« L’informatique est à la fois un outil formidable et dangereux pour travailler sur la langue et sur la littérature. Elle permet en effet d’obtenir des résultats très riches, mais il faut toujours se méfier de l’apparente « magie » du traitement automatique. Il y a quelques années, le symbolique y tenait d’ailleurs encore une place importante, alors qu’il a aujourd’hui complètement cédé le pas à des stratégies numériques.
Pour ces raisons, il est important de se demander qui peut le mieux imaginer et fabriquer les outils pour mener tel ou tel travail de recherche sur la langue. Est-ce un informaticien extérieur qui, parce que la technique est son domaine d’expertise, peut seul concevoir plateforme et interfaces ? Est-ce le spécialiste qui, parce que la recherche est son quotidien, peut seul savoir ce dont il a besoin ?
Il apparaît souvent que les projets réussis sont le fruit d’une rencontre et d’une interdisciplinarité originale entre plusieurs personnes. Il est essentiel que linguistes et littéraires apprennent à imaginer eux-mêmes leurs outils et tâtonnent dans cette construction, à la manière des astronomes de la Renaissance qui, en plus d’être des scientifiques, étaient des inventeurs d’instruments ! Ainsi, chaque plateforme littéraire, linguistique ou d’édition numérique est pensée et conçue différemment. Certains s’en agacent alors que cette fabrication « sur mesure » est une condition indispensable pour trouver les meilleurs outils face à chaque situation.

Le projet Crealscience est le fruit d’une telle collaboration entre deux personnalités au croisement de la technique et de la linguistique. Il s’agit d’y proposer un dictionnaire de Français du Moyen-Âge dans le champ scientifique. Cet outil posait naturellement lui aussi des problèmes particuliers : de nombreux mots qui le composent sont en effet des mots aujourd’hui disparus et largement inconnus ; comment permettre d’accéder à des entrées dont l’utilisateur ignore l’existence ? Cet enjeu nous a amené à travailler sur les réseaux de mots et les résonances textuelles, pour proposer un outil qui montre les proximités (à partir des définitions mais aussi, prochainement, à partir des citations qui entourent chaque occurrence). Ainsi, de pierre précieuse, chrysolite, le lecteur sera guidé vers chrysolite, chrysoprase, carboncle ou calcédoine… »

Fabrice Issac, université Paris 13, LDI (Lexiques, Dictionnaires, Informatique)